Recherche
Chroniques
Johannes Brahms
Lieder (vol.3)
Poursuivant son intégrale desLieder de Johannes Brahms, le label Ars Musici, en coproduction avec le Südwestrundfunk Baden-Baden, présente un programme intéressant, dont la dramaturgie est en général judicieusement, intelligemment et subtilement dessinée par un pianiste efficace et sensible : l'Anglais Charles Spencer qui a pu parfaire des talents naturels auprès de l'immense accompagnateur Geoffrey Parsons.
Des Vier Gesänge Op.43 qui datent de la maturité de Brahms, Deborah Polaski dose avec un art de la nuance parfaitement maîtrisé le lyrisme. Elle atteint la plénitude pas à pas, dans une tension dramatique superbe. La grande suavité du timbre est directement remarquable dans Die Mainach, le plus méditatif du cycle. Les deux pièces suivantes sont confiées au ténor Christian Elsner qui offre un timbre lumineux, au service de la meilleure intelligibilité possible du texte. Dans Das Lied vom Herrn von Falkenstein, il joue littéralement les personnages avec une expressivité tout à fait convaincante, n'hésitant pas a barytoner l'attaque lorsqu'il s'agit d'évoquer le despote de la légende. La symbiose est totale avec le piano, et l'on surprend ici Brahms précurseur de Mahler. Les Gesänge de l'Opus 70 sont exclusivement chantés par le soprano, toujours avec une grande souplesse, et un piano dosé, attentif à la couleur et gracieux. Cependant, Deborah Polaski, qui indéniablement possède une voix magnifique, un timbre rond et charmant, n'use pas de ses qualités, si ce n'est pour faire joli, pourrait-on dire ; sans expressivité aucune, et juste une belle ligne de chant, le recueil parait vite lassant et mièvre.
Les choses se passent nettement mieux dans les Sechs Lieder Op.86. Le soprano soigne une tendresse parfaitement d'à propos pour le premier, et la quasi neutralité de son interprétation devient fantomatique dans le troisième, ce qui est tout à fait en accord avec sa thématique principale. À l'étonnant Über die Heide hallet mein Schritt, sur un poème de Theodor Storm, succède l'intervention fraîche et vaillante du ténor qui donne une chair qu'on jurerait palpable au texte de Versunken. Pour finir,Todessehnen est une sorte de Lieder spirituel que Deborah Polaski ne parvient pas vraiment à porter. Elle est nettement plus engagée dans les Lieder de l'Opus 96. Le disque s'achève avec les Funf Lieder Op.105 qui font partie des dernières compositions de Brahms. Il y a là maintes analogies avec les Chants sérieux. Sur l'ensemble, Polaski est parfaite dans une évocation de l'arrivée de la mort, qui tente d'être sereine sans y parvenir jamais. Encore une fois, le travail du pianiste est extraordinaire (il n'est qu'à écouter la déferlante introduction de Auf dem Kirchhofe, par exemple).
BB